dimanche 28 novembre 2010

The age of cheap oil is over


Jean-Claude Michéa - entretien

Comme le résume très justement Jean-Claude Michéa dans cette vidéo d'entretien : une croissance illimitée dans un monde aux ressources limitées est une impossibilité physique.
Viendra donc un jour où la croissance de l'oléocène, l'ère du pétrole, sera confrontée aux limites physiques des ressources pétrolières que Dame Nature prodigue gracieusement aujourd'hui.
Selon le tout dernier rapport de l'Agence Internationale de l'Energie (cf ppt en lien), ce jour est assez proche.

L'une des conclusions de ce rapport est "The age of cheap oil is over" (l'âge du pétrole à bas prix est terminé), dit autrement : nous sommes en train de vivre le peak oil (le pic pétrolier), le moment où le coût total d'extraction de tout le pétrole productible dépasse sa valeur moyenne, où les réserves de pétrole les plus faciles à extraire ont été extraites et où ce qui reste à extraire va désormais coûter toujours plus cher, où la moitié du pétrole a été consommée et où ce qui reste de pétrole ne pourra pas être consommé à la vitesse que nous avons vécu jusqu'à présent.

Cependant, compte-tenu de l'aveuglement libéral actuel de la planète, les scénarios proposés par l'AIE pour faire correspondre l'augmentation future de consommation de pétrole avec la raréfaction future de production de pétrole font figure de rêve éveillé, voire d'angélisme. D'ailleurs, il n'est nulle part question des conséquences géo-politiques engendrées par l'augmentation prévue du prix du baril (prévu à 135$ en 2035 dans la configuration économique actuelle) telles que nous en avons observé en 2008 dans les pays du tiers-mondes. Nulle part question non plus des risques de spéculations boursières qui pourraient engendrer des flambées bien supérieures à celle du 150$ d'il y a deux ans.

Lorsque l'on voit la façon dont les membres du G20 ont géré la crise des subprimes, que peut-on attendre de ces mêmes gouvernements le jour où les bourses vont faire exploser le prix du baril à 200, 300$ ? Les solutions qui ont servies en 2008 n'auront plus court, car le robinet ne pourra pas être davantage ouvert côté producteurs. Si la solution ne vient pas des dirigeants, elle devra venir des citoyens. C'est pourquoi de nombreux mouvements se créent depuis quelques années pour envisager l'après-pétrole le moins catastrophique possible et mettre en place aujourd'hui des solutions pour demain. C'est le cas des Villes en Transition : http://www.transitionfrance.fr/, du Post-Carbone Institute : http://www.postcarbon.org/ et de toutes les ONG plus spécialisées dans certaines thématiques, comme Les Amis de la Terre, Slow Food, les AMAP, les SEL, le réseau de permaculture, etc.

L'action citoyenne que nous vendent aujourd'hui PPR avec Arthus-Bertrand ou Bouygues avec Hulot, centrée sur l'urgence climatique, est une double arnaque.
D'une part, ce sont les plus gros pourvoyeurs de pollution qui tentent par ce biais d'externaliser la prise en compte du coût écologique de leur production industrielle. Plutôt que d'investir dans une production plus responsable d'un point de vue écologique, alors que rien ne leur garantie que ces investissements leur permettront de rester compétitifs vis-à-vis de leur concurrents qui ne le feraient pas, ils préfèrent orienter leur budget de communication en surfant sur la vague du green-washing, privilégiant un bénéfice d'image à court terme à la viabilité économique de leur industrie à long terme. C'est la même logique qui s'exprime dans la comparaison des émissions de CO2 par pays, où les pays occidentaux pointent du doigt la Chine qui abritent aujourd'hui toute leur vieille industrie polluante délocalisée ! On préfère déplacer le problème que de le résoudre.
D'autre part, en matraquant dans l'opinion un message de protection de l'environnement basée sur une consommation plus "durable", on maintient la population dans la croyance que cette consommation durable est suffisante pour assurer le maintien de son mode de vie actuel, plutôt que de lui faire envisager les bouleversements à venir pour accepter une modification plus profonde de ses comportements.

Il y a fort à parier que les pays qui tireront le mieux leur épingle du jeu dans les années qui viennent seront ceux où la culture individuelle porte en elle une capacité de résilience suffisamment forte pour absorber harmonieusement les chocs énergétiques et climatiques. Les pays où une majorité de citoyens, de par leur histoire ou leurs valeurs communes, n'est pas en mesure de remettre en cause certaines pratiques, certains processus économiques ou politiques, sans intervention de l'Etat, seront sans doute les plus lourdement touchés par le peak oil. Car c'est par la désobéissance civique et l'insurrection citoyenne que les solutions émergeront, pacifiquement, et non par des mesures drastiques décidées unilatéralement par des gouvernements tentés par la radicalisation et l'extrêmisme.

dimanche 14 novembre 2010

Temps de travail et productivité

S'il y a bien quelque chose qui m'énerve dans les débats actuels sur le travail, sur les retraites, sur la compétitivité, etc. c'est le peu de place accordée aux données sur la valeur du travail.

Les médias ne parlent pas de productivité. Au mieux, ils parlent du PIB. Mais lorsqu'ils en parlent, c'est juste pour relayer les statistiques publiées par l'OCDE ou le BIT. Ils en parlent au même titre que les chiffres du chômage ou les points de croissance. Est-ce parce que il est implicite de dire que l'augmentation du PIB équivaut à une augmentation de la productivité, c'est-à-dire une augmentation de la valeur produite pour la même quantité de travail effectuée ?

Pourquoi travaillons-nous 35 heures et pas 45 ou 25 ? Quand la réforme des retraites était sur le devant de la scène, on a vu passer sur Facebook un tableau comparant la durée conventionnelle moyenne de temps de travail par semaine et l'âge légal de départ à la retraite dans plusieurs pays. La conclusion était que les Français étaient bien sûr les mauvais élèves et que la réforme était obligatoire. Si on veut faire des comparaisons internationales, mieux vaut parler du nombre d'heures travaillées par an, et de l'âge moyen de sortie du marché du travail, c'est déjà plus proche de la réalité.
Comparons la France avec l'Allemagne et la Grèce :

Dans le premier cas, ça donne :
France : 35h / 60 ans
Allemagne : 37h / 67 ans
Grèce : 40h / 60 ans pour les femmes, 65 ans pour les hommes

Dans le second cas :
France : 1554h / 59,1 (femmes) - 59,4 (hommes)
Allemagne : 1390h / 61,4 (f) - 62,1 (h)
Grèce : 2120h / 61 (f) - 61,9 (h)

Conclusion à la Sarkozy : "Mmm, les grecs travaillent beaucoup plus que les autres, ils doivent donc gagner plus !" Euh... la crise grecque, ça vous dit quelque chose ?

Donc dire qu'en travaillant plus on gagne plus, ou bien qu'en travaillant plus longtemps on va pouvoir payer plus de retraites, c'est le même raccourci idiot, à savoir dissocier quantité de travail et valeur du travail.
On peut aussi comparer le PIB horaire des 3 pays :
France : 54,5
Allemagne : 53,3
Grèce : 33,9

Ah, là, déjà, on comprend un peu mieux la crise grecque, non ?

Il y a plusieurs façons d'augmenter la productivité du pays. Lorsqu'on exploite les secteurs de l'agriculture ou de l'industrie, en général, c'est en augmentant le niveau de mécanisation ou de robotisation du travail. Mais depuis quelques années, surtout dans les pays occidentaux, la tendance est à la tertiarisation de l'économie, parce que la valeur produite par certaines activités de service (par exemple, la banque...) est beaucoup plus forte que celle produite par les secteurs primaire et secondaire, qui sont "externalisés" dans les pays émergents.
En Grèce, il y a encore beaucoup de travailleurs dans le secteur agricole. En Allemagne, il y a un peu plus d'activité industrielle qu'en France, en partie parce que le coût de la main d'œuvre est un peu moins élevé. C'est aussi pour ça que le nombre d'heures travaillées par an est plus fort en France qu'en Allemagne : le pourcentage de travailleurs en CDI en Allemagne est plus faible qu'en France, et ça joue beaucoup plus que le fait de travailler 35, 37 ou 40 heures par semaine lorsqu'on a la chance d'avoir un plein temps!

Ce sont des choses simples à comprendre lorsqu'on est vraiment confronté au monde du travail et au chômage :
- Lorsque la quantité de travail n'augmente pas autant que la quantité de travailleur, forcément, il y a plus de travailleurs sans travail.
- Quand un senior est au chômage plutôt qu'à la retraite, il coûte autant à la collectivité tant qu'il est au chômage, mais moins cher quand il touche ensuite sa retraite, puisqu'il n'a pas assez travaillé pour avoir sa retraite à taux plein.
- Quand pour le même poste il y a 10 candidats avec la même expérience, l'employeur peut choisir entre 10 prétentions salariales. Et quand il y n'en a que 2 et qu'ils ont les mêmes prétentions salariales, et que l'Etat l’exonère de charges pour embaucher celui qui a plus de 60 ans, est-ce que c'est mieux ?

Avant-propos

Cela fait quelques mois que Raphaëlle et moi réagissons à ces évènements variés, parfois légers, parfois graves, que le quotidien charrie avec discrétion ou insistance autour de nous. Souvent nous avons eu envie de nous faire l'écho, ou de dire notre ras-le-bol face au matraquage de ces choses, de ces idées qui nous semblent importantes, ou ne pas aller de soi, dans ce monde de plus en plus (é)mouvant où le temps de la réflexion, du pas de côté, est à la fois de moins en moins accessible et de plus en plus nécessaire.

Pour que ces réactions ne restent pas des instantanés, parce que nous voulons autant partager que conserver une trace de nos pensées en marche, le fait de les écrire sur un blog nous semble pertinent, ou à tout le moins une expérience rédactionnelle que nous sommes curieux d'investir. L'avenir nous dira si celle-ci s'est avérée fructueuse !

Pour l'instant l'intention est simplement de livrer nos pensées sur la toile. Pas de périodicité de publication imposée, ni de ligne éditoriale précise... Mais Maxime a des velléités d'écrivain et Raphaëlle une âme de reporter, alors, qui sait ? le blog à 2 têtes prendra peut-être des accents plus littéraires ou journalistiques de ci de là...